LES ORDONNANCES PORTANT REFORME DU DROIT DU TRAVAIL : Plafonnement et réduction des indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse et réduction des délais.

Le 31 aout 2017, le gouvernement présentait aux partenaires sociaux 5 ordonnances dites de « renforcement du dialogue social ».

Le 22 septembre 2017, ces ordonnances seront adoptées en conseil des ministres.

On s’interrogera ici sur le Titre II de l’ordonnance n°3 dite « relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail. » (lien : http://e-c-f.fr/wp-content/uploads/2017/09/Ordonnance-relative-a-la-previsibilite-et-la-securisation-des-relations-de-travail.pdf)

En fait de « relations de travail », il s’agit principalement des conditions de la rupture du contrat de travail et ses conséquences indemnitaires.

L’article 2 de cette ordonnance concerne « le plafonnement des indemnités pour licenciement irrégulier ou sans cause réelle et sérieuse. » A ne pas confondre avec l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ou avec l’indemnité compensatrice de préavis.

Il s’agit des indemnités que le conseil de prud’hommes va fixer à la charge de l’employeur en cas de licenciement injustifié.

Ce plafonnement est applicable aux licenciements notifiés postérieurement à la publication de l’ordonnance et les instances en cours devant le conseil de prud’hommes, la cour d’appel ou la cour de cassation restent soumises à l’ancienne loi. (Article 43 de l’ordonnance).

L’article L1235-1 du code du travail laissait toute latitude au juge pour fixer le montant de ces indemnités, en fonction d’un référentiel et des critères d’ancienneté, d’âge et de la situation du demandeur par rapport à l’emploi. Seul était fixé un montant minimal équivalent à 6 mois de salaire brut pour les salariés ayant plus de deux d’ancienneté et dans les entreprises de plus de 11 salariés.

Dorénavant, le juge conserve un pouvoir d’appréciation mais borné entre un minimum et un maximum déterminé en fonction de l’ancienneté. (voir le détail du barème intégralement dans l’article 2 de l’ordonnance, en lien ci-dessus)

La distinction entre entreprises occupant plus ou moins de 11 salariés est maintenue, l’indemnité minimale étant réduite pour les secondes.

La lecture des termes de l’article L1235-1 du code du travail et notamment la suppression de la mention « sans préjudice de l’indemnité légale de licenciement » laissent sérieusement penser que le juge est incité à intégrer les autres indemnités de rupture pour que le total des indemnités ne dépasse pas le maximum de ce barème, mais la jurisprudence nous le dira.

Précisons que ces barèmes plafonnés s’appliquent en cas de résiliation judiciaire du contrat aux torts de l’employeur, en cas de prise d’acte de rupture et en cas de requalification de CDD en CDI.

Cependant, ces barèmes ne sont pas applicables en cas de licenciement nul, l’ancienne règle des 6 mois minimum reste applicable.

Un licenciement est nul lorsqu’il :

  • Porte atteinte à une liberté fondamentale
  • Est lié à des faits de harcèlement moral ou sexuel
  • Est discriminatoire
  • Est consécutif à une action en justice, une dénonciation de crime ou délit, à l’exercice d’un mandat.

Notons quand même qu’à cette occasion l’indemnité minimale en cas de licenciement nul prévue par l’article L1235-11 du code du travail est réduite de 12 mois à 6 mois.

De même, l’indemnité pour non-respect de la priorité de réembauche en cas de licenciement économique est réduite de 2 mois à 1 mois.

L’indemnité minimale de 12 mois en cas de non-respect des dispositions relatives au reclassement du salarié inapte ou de non-respect des dispositions relatives au droit à réintégration du salarié dont le contrat a été suspendu du fait d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail, est dorénavant réduite à 6 mois minimum.

 

Par ailleurs, le nouvel article L1235-2 du code du travail semble passer inaperçu mais est un changement très important.

En effet, si la lettre de licenciement fixe toujours les limites du litige, dorénavant les motifs de licenciement notifiés par la lettre de licenciement pourront être « complétés ou précisés » par l’employeur après la notification du licenciement soit spontanément soit à la demande du salarié et c’est donc la lettre et les compléments qui fixent désormais les limites du litige.

Surtout, le salarié devra avoir fait cette demande d’explications s’il veut se prévaloir de l’irrégularité de l’insuffisance de motivation de la lettre comme constituant un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sinon, il ne pourra prétendre qu’à une indemnité d’un mois comme pour une irrégularité de forme.

On attendra donc avec impatience les conditions d’application de ce texte qui doivent être fixées par décret en conseil d’Etat.

Enfin, les délais de recours sont aussi divisés par deux puisque la prescription de l’action en contestation du licenciement passe de deux ans à 12 mois à compter de la notification de la rupture.

Délai qui sera, de fait, réduit par la période de demande d’explications et de réponse visée par l’article L1235-2 du code du travail.

Ainsi, en résumé, un salarié avec une ancienneté de 10 ans licencié sans motif devra demander des explications à son employeur et si le motif n’est toujours pas valable, il pourra, dans un délai de 12 mois, solliciter une indemnité comprise entre 3 mois et 10 mois de salaire dans une entreprise de plus de 11 salariés et comprise entre 2,5 mois et 10 mois dans une entreprise de moins de 11 salariés.

Laurent DOUCHIN, Avocat